COVID-19, quelle communication pour l’Afrique? (série COVID-19)

“Nous devons nous préparer au pire … Nous n’avons aucune idée de l’ampleur de la propagation du virus… Notre meilleur moyen d’enrayer le virus sera la prévention.”

Dr Denis Mukwengue, discours sur le Covid-19, du 25 mars 2020

Confinés, confinement, gel hydroalcoolique, masque, chloroquine, coronavirus…

Des mots aujourd’hui tristement familiers. En effet, la planète toute entière est mobilisée et quasi-confinée, du fait de cette forme particulière de coronavirus appelée Covid-19(1).

L’Afrique, en comparaison à l’Europe, est pour le moment moins touchée; 2 746 cas avérés contre 232 470(chiffres au 26 mars). Mais comme ailleurs dans le monde, les gouvernements ici se préparent à faire face au virus. Quelque uns sont déjà ardemment à l’oeuvre. Les actions d’anticipation sont à la fois d’ordre médical, sécuritaire, social ou encore communicationnel.

Cette semaine, deux influenceurs-web africains ont souligné l’importance de la communication dans la gestion de la pandémie en Afrique. A leur suite, nous vous proposons de réfléchir aux moyens de communication adaptés à notre continent.

Le premier, via YouTube, présentait entre autre, la communication gouvernementale ghanéenne auprès d’acteurs du secteur informel(vidéo). Tandis que la seconde, dans une story Instagram, relevait l’inefficacité d’une communication uniquement axée sur le partage de consignes de prévention via les réseaux sociaux. Le motif avancé: le faible taux d’alphabétisation de nombreux pays africains.

Au terme de son analyse, elle concluait ceci: publier, partager des vidéos, photos, et autres explications sur les gestes barrières au virus, n’a principalement pour effet que l’auto-sensibilisation des auteurs eux-mêmes, et dans une certaine mesure de leur entourage restreint. 

Prenons le cas du Cameroun. Apprécions les chiffres du niveau d’alphabétisation en 2018. Ils sont plutôt très élevés dans la tranche des 15-24 ans; soit 85%. A contrario, l’on observe que le niveau d’alphabétisation de nos parents nés peu avant les indépendances, les plus de 65 ans, est faible. Ici, 6 personnes sur 10 ne sauraient ni lire, ni écrire. Cette couche de la population, nos séniors, est par ailleurs la plus vulnérable face au virus.

Considérons également le niveau de couverture de la téléphonie mobile, d’internet et l’utilisation des réseaux sociaux au Cameroun(illustration 2).

Il est rassurant de réaliser que 9 camerounais sur 10 ont un téléphone portable. Une sensibilisation via l’envoie de messages de la part du gouvernement, serait à priori efficace. Ceci contrairement à une communication uniquement via internet; où seuls 3 camerounais sur 10 ont accès . 

Les éléments ci-dessus, pour le cas du Cameroun, nous amènent à dresser le constat suivant: une stratégie de communication essentiellement axée sur internet comme canal privilégié, bien que louable, ne permettra malheureusement pas d’atteindre toute la société camerounaise; en particulier les plus fragiles, nos séniors.

Par ailleurs, nos parents et cousins des zones rurales, constituent près de la moitié de la population de notre pays. Un premier défi dans notre stratégie de communication sera de veiller à sensibiliser tous les camerounais et dans le langage accessible à chacun.

En même temps, un second défi sera de canaliser et rattraper en temps et en heure les fakes news. S’il est aisé en ville, de démentir une information inexacte telle, « le Covid-19 ne tue pas les noirs »; c’est moins simple dans nos villages enclavés.

Face au Covid-19, les systèmes de santé des pays africains seront en première ligne. Pour les soutenir et accompagner leur travail, une stratégie de communication complète et efficace est cruciale, en particulier pour la prévention. Suggérons ici quelques actions:

• La sensibilisation radio en langue locale,

De plus, en langue locale, il sera possible d’atteindre le maximum de seniors. Une YouTubeuse gabonaise a par exemple lancé le superbe projet de diffuser des messages de sensibilisation vidéo en langue Fang.

• L’affichage de messages visuels et explicites,

En particulier dans les lieux publics: marchés, gares routières.

• La mobilisation des relais de l’information ayant autorité,

Les autorités traditionnelles, coutumières, les chefs de quartiers etc.

• La musique,

Une chanson sur le thème du COVID-19, au refrain facilement memorisable à l’exemple du titre « payez vos impôts » sorti dans les années 90.

• la sensibilisation familiale,

Est-ce que chaque membre de ma famille a connaissance du COVID-19 et des gestes barrières?

• La sensibilisation des travailleurs de l’informel,

En Afrique, se rapprocher du secteur informel revient à sensibiliser les acteurs côtoyant le maximum de personnes au quotidien: commerçants de rues et marchés, taximen, moto-taximen etc. Ce levier a été actionné au Ghana, où le chef de l’Etat à rencontré les leaders des associations des marchés et du secteur des transports.

 

« La répétition est la mère de l’apprentissage et le père de l’action, elle est donc l’architecte de l’accomplissement. » Zig Ziglar

 

 

(1) « Les coronavirus sont une grande famille de virus, qui provoquent des maladies allant d’un simple rhume (certains virus saisonniers sont des Coronavirus) à des pathologies plus sévères. Le virus identifié en janvier 2020 en Chine est un nouveau Coronavirus, nommé SARS-CoV-2(COVID-19). L’OMS qualifie la situation mondiale du COVID-19 de pandémie »(lire plus).